Pour clôturer 2014 en beauté, une fois n’est pas coutume, Smals Research a interviewé un invité de marque auquel on ne peut pas échapper durant ces fêtes de fin d’année : le Père Noël.
Smals Research : Père Noël, bonjour ! Nous savons que vous êtes débordé durant cette période critique de l’année. Donc merci de nous recevoir en exclusivité pour cette interview. Tout d’abord Père Noël, à la différence de Saint Nicolas, vous vous vantez d’être un homme du 21ème siècle. Comment vous êtes-vous modernisé du point de vue IT dans votre entreprise de distribution de jouets Santa Claus Inc. ?
Père Noël : Jusqu’à il y a quelques années, je ne voulais rien savoir des ordinateurs, internet et autres pratiques du genre. Et bien oui, quand on est habitué à une certaine façon de travailler, on n’aime pas vraiment la changer. N’oubliez pas que j’exerce ce boulot depuis presque 200 ans !
Et puis j’ ai commencé à tellement entendre les enfants parler du cloud, Facebook, Whatsapp, Android, Twitter, des tablettes, etc. Je ne savais pas de quoi ils parlaient, je ne les comprenais plus… J’ai dû alors pendant quelques années cacher mon ignorance des nouvelles technologies. Moi, le Père Noël tellement admiré par les enfants… Soudainement, il est devenu clair que cette situation était inacceptable pour ma profession. J’ai alors décidé de m’informer sur tout cela pour rester professionnellement à jour !
De janvier à septembre, j’ai pas mal de temps libre il faut dire. Et dans le passé, je m’ennuyais souvent. Alors je m’occupais : je jouais un peu sur ma Sega Megadrive, ou avec les elfes. Mais j’ai ensuite commencé à remplir mon temps d’une façon plus utile, en m’informant et jouant un peu avec toute cette nouvelle technologie. Je dois avouer que c’était addictif et, du coup, j’ai initialement perdu pas mal de temps. Mais peu à peu, j’ai découvert aussi tout le potentiel qui se cachait derrière !
Maintenant, j’utilise intensivement le cloud, les appareils mobiles comme les tablettes et smartphones. Je suis aussi actif sur les réseaux sociaux tels que Twitter et Facebook. Mes elfes ont aussi commencé à faire du développement d’apps. Il est clair que je ne travaille pas seul, et derrière moi j’ai une team d’elfes très sérieux qui sont en permanence connectés grâce à leurs propres tablettes que je leur ai fourni. De cette façon, j’ai pu proposer le télétravail à temps partiel à la majorité de mes elfes. Aussi quand ils sont en mission professionnelle, ils sont capables de compléter leurs tâches beaucoup plus efficacement et en temps réel.
SR : Père Noel, vous êtes donc très présents sur les réseaux sociaux. Comment les utilisez-vous concrètement ?
PN : J’ai commencé comme tous les autres, en me créant un compte Facebook et une page. 400.000 fans, c’est pas mal !! Mais ce n’était que le début. Maintenant, j’utilise aussi le social network analytics pour mieux connaître le comportement et les désirs des enfants. N’oubliez pas qu’en deux siècles, la population a énormément augmenté. Il était devenu infaisable de collecter manuellement et de mettre à jour les données des tous ces enfants. Même mon livre extrêmement épais ne suffisait plus. On a certes essayé d’utiliser des outils de data quality, mais les choses évoluent tellement vite ! En plus, les enfants ont aujourd’hui une vie beaucoup plus active qu’à l’époque.
SR : Ah mais alors vous savez tout des enfants qui vont recevoir les cadeaux cette année ? Ceux qui ont été gentils ? Ceux qui ont été méchants ? Ce qu’ils veulent ?
PN : En effet ! Ma Research team d’elfes m’a expliqué plusieurs choses. D’abord, c’est souvent possible de savoir assez précisément si les enfants ont été sages en consultant leur profil Facebook. On peut aussi trouver facilement le profil de leur parents. Et ce qui est pratique, c’est que les parents sont souvent très naïfs sur Facebook, et ne pensent quasiment jamais à limiter la visibilité des photos de leurs enfants, ou des commentaires à leur propos. Facile donc de savoir s’ils leur en ont fait voir de toutes les couleurs, ou si au contraire ils sont très fiers d’eux !
En plus, c’est souvent possible de savoir – avec une probabilité très élevée – ce qu’ils veulent comme cadeaux. Initialement, comme je viens de dire, c’était une tâche manuelle qui était très lourde pour moi et mes elfes, mais maintenant on a pu automatiser ce processus. On est maintenant aussi capable d’avoir une idée de tous les amis des enfants sur Facebook, ce qui nous donne aussi pas mal d’info.
On essaie aussi de voir, grâce à la structure de leur réseau d’amis, si deux enfants sont proches ou pas. On essaie bien évidemment d’éviter de donner le même cadeau à deux enfants qui passent tous leurs mercredis après-midi ensemble ! Puis il faut être aussi un peu équitable. Que penserait un enfant s’il a reçu une petite toupie en bois alors que son meilleur ami vient de recevoir un hélicoptère télécommandé ?
Une autre application est d’analyser de grandes parties de Facebook et Twitter pour être capable de détecter les tendances, ce qui me permet d’anticiper les besoins des enfants pour l’année prochaine.
Maintenant, mes elfes ont aussi commencé à faire des expériences avec la predictive analytics. Même si les enfants n’ont pas explicitement mentionné sur Facebook ce qu’ils veulent, j’espère être capable de le prédire dans quelques années.
SR : Et tout ça ne cause pas des problèmes de privacy (i.e. vie privée)?
PN : Bien sûr… Et il faut trouver le bon compromis évidemment, mais ce n’est pas ma responsabilité. L’information est là à cause de (ou grâce à) Facebook. Et j’exploite l’information qui est déjà là, ni plus ni moins. Je suis d’accord que cela peut avoir des effets très négatifs à terme pour les enfants. En fait, leur privacy est inexistante aujourd’hui. Mais pour moi, c’est vraiment génial. Ainsi je peux savoir qui mérite un cadeau. S’il n’y avait pas Facebook, je devrais revenir à l’ancienne méthode et envoyer mes petits elfes espionner chaque foyer. Mais au prix où sont les elfes de nos jours, je ne peux plus me le permettre !
Et évidemment, j’ai appliqué les mêmes techniques sur mes elfes pour déterminer lesquels sont les moins fiables, et ainsi leur faire une bonne leçon de morale sur l’importance d’être rapide et efficace durant cette période de Noël. Heureusement qu’ils ne sont pas syndiqués. Une grève des elfes serait une réelle prise d’otage de l’esprit de Noël….
SR : Et qu’en est-il de votre propre privacy?
PN : J’essaie de faire une distinction très stricte entre ma vie privée et ma vie professionnelle. Si vous trouvez des informations non-professionnelles sur moi, vous pouvez être sûr que c’est un hoax. Mais bon, je vous ai déjà dit que j’utilise aussi le cloud pour diverses raisons, et cela peut bien sûr présenter des risques quand on ne fait pas attention. Vous connaissez sans doute l’attaque qu’il y a eu sur iCloud. Je n’ose imaginer qu’une telle chose m’arrive…
Je suis à 100% conscient de l’importance d’utiliser des mots de passe dits “forts” pour mes différents comptes en ligne. Personnellement, ce n’est pas facile de retenir par coeur tous les mots de passe de mes comptes. Mais heureusement, j’ai trouvé une solution.
SR : Et quel est votre secret pour retenir les mots de passe de tous vos comptes en ligne ?
PN : Et bien figurez-vous que j’utilise un password manager. C’est un outil informatique qui me permet de centraliser l’ensemble de mes credentials (i.e. triplet [compte ou site web, identifiant, mot de passe]) dans une base de données accessible via un mot de passe maître unique. Ainsi j’ai seulement besoin d’en mémoriser qu’un seul. Vous savez, c’est très pratique avec mon âge grandissant…
SR : Nous comprenons bien 😉
PN : Mais je suis tout à fait au courant que c’est un outil à utiliser avec précaution, comme l’explique ce blog.
SR : D’ailleurs Père Noël, pour revenir sur la privacy, avez-vous ou pensez-vous avoir été victime de social engineering (i.e. méthode permettant de retrouver vos informations personnelles telles que le mot de passe de votre compte Facebook ou encore votre code de votre coffre à jouet) ?
PN : Ah le social engineering, quelle plaie ! Bien sûr, ma Research team d’elfes m’a tenu informé de ce nouveau type d’attaques. Ils ont d’ailleurs publié un blog sur le sujet. Maintenant les personnes malveillantes, hackers et autres préfèrent utiliser des techniques de manipulations psychologiques permettant d’exploiter les faiblesses de la nature et du comportement humain pour perpétrer une escroquerie. Et le tout sans que la victime ne s’en rende compte… C’est scandaleux ! Heureusement ici chez Santa Claus Inc., nous avons mis en place une politique de sécurité robuste.
J’ai aussi lancé un security awereness program pour conscientiser toute mon équipe des problèmes de sécurité comme le spear-phishing. Par exemple, je ne tolèrerai jamais qu’une attaque telle que celle perpétrée sur l’Icann se passe à Santa Claus Inc. !
SR : Ah c’est bon de savoir que vous tenez à ce point-là compte de cette problématique grandissante dans le milieu de la sécurité ! Mais revenons un instant sur la question de savoir les cadeaux souhaités par les enfants. Faites-vous toujours la récolte d’info à l’ancienne (via les lettres envoyées par les enfants) ? Ou bien utilisez-vous des nouvelles technologies ?
PN : Evidemment l’analyse de Facebook ne marche pas pour chaque enfant, surtout pour les plus jeunes. Dans ces cas, j’applique encore toujours mes vieilles méthodes… Ce sont celles que j’aime encore et toujours le plus. A mon âge, c’est normal, je pense.
Mais néanmoins, mes elfes sont aussi en train de développer une app avec laquelle les enfants peuvent nous envoyer leurs désirs, les cadeaux qu’ils souhaitent. En complément de cette dernière, on développe aussi une autre app pour permettre aux parents de nous tenir informés de l’avancement de la liste de leurs enfants. Ainsi on sera toujours capable de faire un check avec les informations récoltées des deux cotés.
Un défit avec les apps est d’empêcher les enfants d’utiliser la deuxième app, tout en empêchant les parents d’utiliser la première (cela laisse un peu de libre arbitre pour les enfants finalement…). Ma Research team est en train de chercher activement une solution, mais ce ne sera certainement pas disponible pour cette année. De plus, mon équipe souhaite mettre en place une authentification forte pour ces apps sur appareils mobiles, tout en étant conviviale. Et ce n’est pas une mince affaire car c’est surtout ce type de communication que les enfants utilisent. Ca doit donc être très facile d’utilisation et ergonomique.
Nous nous sommes aussi lancés dans l’aventure cloud computing pour développer une web-app ayant la même fonction que l’app pour appareils mobiles. Pour résumer, tout ceci s’est fait via un service PaaS (Platform as a Service) : grâce à cette technologie, mon équipe a développé très rapidement la web-app en réutilisant du logiciel open-source existant. Cela nous a permis de mettre en ligne cette web-app dans de très brefs délais. De plus, la façon dont mon équipe a développé tout cela nous a permis de proposer à Saint Nicolas d’utiliser cette web-app comme un service (c’est ce qu’on appelle le SaaS-enablement selon mes elfes chercheurs…). Maintenant Saint Nicolas peut aussi récolter les listes de jouets des enfants via sa web-app personnalisée.
SR : Super ! Il est clair que vous avez fait des choix éclairés en ce qui concerne l’utilisation du cloud pour le développement de Santa Claus Inc. Avez-vous des conseils pour les aspects plus classiques du développement ?
PN : Ah vous savez, je dis toujours à mes elfes que ca ne sert à rien de réinventer la roue ! Donc ils ont comme consigne de chercher autant que possible à employer des composants réutilisables, et des principes modernes de l’IT, comme les architectures orientées web et les frameworks Javascript.
SR : Et quelle technologie utilisez-vous pour stocker toutes les listes de cadeaux des enfants du monde entier ?
PN : Comme nous avons voulu nous moderniser au maximum, nous nous sommes là aussi tournés vers le stockage dans le cloud. Ah c’est magnifique ce que l’on peut faire avec le cloud : service à la demande, accès via tout type d’appareils (smartphone, tablette, laptop, etc.), j’en passe, et des meilleures ! Non c’est vraiment formidable. Ainsi toute mon équipe peut accéder aux listes en temps réel de partout dans le monde. Vous n’imaginez pas le temps que le cloud nous fait gagner !
SR : Vous n’avez donc jamais considéré la possibilité de mettre en place et gérer votre propre datacenter ? Pourtant le cloud a ses problèmes, en particulier la sécurité des données…
PN : Ecoutez, on travaille en effet avec des données sensibles et personnelles. Et je comprends et partage tout à fait vos inquiétudes à ce sujet. La question est bien sûr venue sur le tapis avant de se lancer dans le cloud. Mon équipe a étudié la question, en regardant ce que les autres entreprises et pays font. Après avoir fait une estimation des coûts, la conclusion était sans appel : dans notre cas, un datacenter sur notre site nous serait revenu bien plus cher que l’utilisation du cloud. Et ceci est en grande partie dû au fait qu’on travaille de façon saisonnière : on a un pic de travail (et donc de ressources informatiques à utiliser) pendant deux-trois mois, mais pour le reste de l’année, on utilise très peu nos infrastructures. Par conséquent, les ressources mises en place pour un datacenter n’auraient pas du tout été optimisées.
En ce qui concerne la sécurité, je vous rassure tout de suite : c’est un problème majeur qui ne nous laisse absolument pas indifférent ! A ce sujet, je suis très fier de pouvoir annoncer que mes équipes Research et Security ont très récemment mis au point et publié un modèle d’évaluation de sécurité cloud. Il nous a permis de déterminer de façon structurée et étayée comment traiter quelles données et avec quel service cloud. On espère d’ailleurs que ce modèle va servir à d’autres entreprises, et qu’on aura un bon retour de leur expérience avec.
SR : Oui d’accord, mais avec votre propre datacenter, vous auriez pu créer des synergies avec vos autres partenaires. Vous n’avez donc jamais considéré une potentielle collaboration avec Saint Nicolas ou le Lapin de Pâques ?
PN : Bien sûr que nous avons essayé !! Mon équipe a lancé des concertations avec l’équipe de Saint Nicolas. Mais au final, mon équipe m’a déconseillé une telle collaboration. Premièrement, Saint Nicolas n’utilise pas vraiment les nouvelles technologies et nous n’avons pas vraiment ressenti une volonté de leur part de se moderniser. Deuxièmement, Saint Nicolas a des besoins en ressources informatiques à la même période que moi (autour de décembre), ce qui aurait créé un chevauchement d’utilisation des ressources. Troisièmement, sa popularité est beaucoup moins élevée que la mienne. En fait, il est seulement connu en Belgique, aux Pays-Bas, et dans quelques villes de l’est de la France. Même s’il avait utilisé mes ressources superflues, son impact aurait été vraiment négligeable.
Le Lapin de Pâques, lui, n’a pas vraiment besoin de beaucoup de ressources informatiques. Pourquoi, me direz-vous ? Et bien tout simplement parce qu’il a un autre business model (qui est un peu démodé à mon avis…). En fait ce sont ses cloches de Pâques qui font une sorte de lâcher d’œufs en chocolat au dessus des villes et villages. Et cela ne nécessite que quelques besoins en logistique, rien de plus.
Pour résumer, je suis d’accord qu’il faut toujours chercher des opportunités de synergies pour offrir le meilleur service aux enfants. Mais malheureusement, Saint Nicolas, le Lapin de Pâques et moi-même n’étions pas vraiment sur la même longueur d’onde.
SR : Et bien Père Noël, merci de nous avoir consacré un peu de temps pour cette interview très instructive ! Un grand merci aussi à ceux qui ont pu rendre possible cette interview : Vandy Berten, Tania Martin, Koen Vanderkimpen, et Kristof Verslype. Bonnes fêtes de fin d’année à tous nos lecteurs !!
Mooi verhaal, bravo voor de opstelling en de originele benadering.
Spijtig genoeg mis ik een vertaling in het Nederlands…
Nog vele welgemeende wensen voor 2015.
Très bon storytelling ! Bravo pour l’effort
A mon tour, je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année